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Le syndic peut-il expulser un locataire : droits, procédures et rôle réel du syndic

Le syndic peut-il expulser un locataire : droits, procédures et rôle réel du syndic

Le syndic peut-il expulser un locataire : droits, procédures et rôle réel du syndic

La scène est fréquente en copropriété : un locataire fait régulièrement du bruit la nuit, dégrade les parties communes ou encombre le hall avec des cartons. Les copropriétaires s’énervent, l’assemblée générale s’échauffe… et très vite, une phrase fuse : « Le syndic n’a qu’à l’expulser ! ». Mais en réalité, est-ce possible ? Le syndic peut-il vraiment expulser un locataire à lui seul ?

Sur le terrain, cette confusion revient sans cesse. Entre ce que les gens croient, ce que le règlement de copropriété prévoit, et ce que la loi autorise réellement, il y a parfois un fossé. Alors remettons un peu d’ordre, car en matière d’expulsion, les rôles sont très encadrés.

Le syndic, le bailleur, le locataire : qui fait quoi, exactement ?

Pour bien comprendre les pouvoirs (et limites) du syndic, il faut distinguer les différents acteurs :

Le locataire : il a un contrat de bail avec le propriétaire (bailleur). Il doit respecter :

  • le bail (paiement du loyer, entretien normal du logement, etc.)
  • le règlement de copropriété (notamment le respect de la tranquillité des voisins et des parties communes)
  • Le bailleur (propriétaire) : il est l’interlocuteur direct du locataire. C’est lui qui :

  • signe le bail
  • encaisse les loyers
  • peut engager une procédure de résiliation du bail et demander l’expulsion en justice
  • Le syndic de copropriété : il représente le syndicat des copropriétaires. Sa mission principale :

  • gérer l’immeuble et faire respecter le règlement de copropriété
  • agir pour le compte de tous les copropriétaires (et non pour le compte d’un locataire ou d’un seul propriétaire)
  • Et c’est là que se trouve le nœud du problème : le syndic n’a pas de lien contractuel avec le locataire. Le contrat de bail est entre le bailleur et le locataire. Juridiquement, le syndic n’est donc pas « aux commandes » du bail.

    Le syndic peut-il, oui ou non, expulser un locataire ?

    Réponse claire : non, le syndic ne peut pas décider ni exécuter directement l’expulsion d’un locataire.

    Quelques précisions importantes :

  • le syndic ne peut pas résilier le bail à la place du propriétaire
  • le syndic ne peut pas demander seul l’expulsion du locataire au tribunal au titre du bail
  • le syndic ne peut pas changer les serrures, couper l’électricité du logement ou empêcher physiquement l’accès : ce serait une voie de fait, donc totalement illégal
  • En droit français, seul un juge peut ordonner une expulsion, et cette expulsion est ensuite exécutée par un huissier de justice (commissaire de justice), éventuellement avec le concours de la force publique.

    Alors à quoi sert le syndic dans toute cette histoire ? À beaucoup de choses, mais pas à expulser lui-même. Son rôle est différent : il peut agir contre les troubles et mettre en demeure le bailleur et le locataire, voire aller en justice, mais sur un autre fondement que le bail.

    Dans quels cas le syndic peut-il intervenir contre un locataire ?

    Imaginons un cas très concret que j’ai déjà rencontré : un locataire organise des soirées bruyantes tous les week-ends. Les voisins sont épuisés, les plaintes se succèdent, les mains courantes s’accumulent. Le bailleur, lui, habite à 500 km et minimise le problème. Que peut faire le syndic ?

    Le syndic est légitime pour intervenir dans plusieurs situations :

    En cas de troubles de voisinage répétés

    Le règlement de copropriété impose généralement à tous les occupants de respecter la tranquillité de l’immeuble. Ce règlement s’impose :

  • aux copropriétaires
  • aux locataires (parce que le bailleur est censé leur en remettre un exemplaire ou au moins les en informer)
  • Quand un locataire multiplie les nuisances (bruits, cris, odeurs, agressions verbales…), le syndic peut :

  • constater les troubles (appels, mails, témoignages de voisins, constats d’huissier)
  • adresser une mise en demeure au bailleur pour qu’il fasse cesser les troubles
  • adresser, parfois, un courrier au locataire pour rappel du règlement de copropriété
  • engager une action en justice contre le bailleur et/ou le locataire pour non-respect du règlement
  • Cette action ne vise pas la résiliation du bail directement (ce n’est pas lui qui l’a signé) mais la cessation des troubles, voire des dommages et intérêts pour le syndicat des copropriétaires.

    Dans certains cas particulièrement graves et persistants, la jurisprudence a déjà admis qu’un juge puisse aller jusqu’à ordonner au bailleur de mettre fin au bail et de faire partir le locataire, sous peine d’astreinte. Le syndic n’expulse pas, mais son action peut donc, indirectement, aboutir au départ du locataire.

    En cas de non-respect des parties communes

    Autre cas fréquent : un locataire transforme le local vélos en débarras personnel, stocke des meubles dans le couloir, ou gare régulièrement un véhicule devant la sortie des poubelles.

    Dans ces hypothèses, le syndic peut :

  • rappeler par écrit les règles d’usage des parties communes
  • mettre en demeure le bailleur de faire respecter le règlement par son locataire
  • en cas de refus ou de persistance, saisir le tribunal pour faire cesser l’occupation abusive des parties communes
  • Mais toujours selon la même logique : il agit pour la copropriété, pas comme bailleur. Le syndic ne se substitue jamais au propriétaire dans la gestion de son locataire.

    En cas de locations type Airbnb non autorisées

    Dans certaines copropriétés, le règlement interdit les locations de courte durée type Airbnb, ou les limite fortement. Si un copropriétaire loue quand même son lot via des plateformes, et que les allées et venues de voyageurs perturbent l’immeuble, le syndic peut :

  • faire constater les infractions au règlement
  • agir en justice contre le copropriétaire bailleur pour faire cesser ces locations
  • obtenir éventuellement des dommages et intérêts
  • Là encore, ce n’est pas le syndic qui « expulse » les touristes de passage, mais il peut obtenir l’interdiction de ce type d’usage du lot, ce qui met fin, de fait, à ce genre d’occupation.

    Et si le propriétaire ne fait rien contre son locataire ?

    C’est le cas le plus délicat : tout le monde se plaint, mais le bailleur semble absent ou indifférent. Le syndic n’est pas pour autant impuissant.

    La loi, et notamment l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, lui donne les moyens d’agir contre le propriétaire négligent. En pratique, le syndic peut :

  • mettre en cause la responsabilité du bailleur pour ne pas avoir fait respecter le règlement par son locataire
  • demander au juge de condamner le bailleur à faire cesser les troubles, sous astreinte financière
  • obtenir la réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires (frais, troubles anormaux, etc.)
  • Le juge peut alors, dans les cas extrêmes, forcer le bailleur à engager une procédure contre son propre locataire. Le chemin est plus long, mais il existe.

    Petit rappel : comment se passe vraiment une expulsion de locataire ?

    Pour bien mesurer la place du syndic, un rapide tour d’horizon de la procédure d’expulsion s’impose. Quand on parle d’expulsion « classique », on parle de la relation bailleur / locataire :

  • Clause résolutoire dans le bail (par exemple pour impayés, troubles anormaux de voisinage, défaut d’assurance)
  • Commandement de payer ou de cesser les troubles délivré par huissier au locataire
  • Si la situation ne s’arrange pas : saisine du tribunal par le bailleur pour faire constater la résiliation du bail et obtenir l’expulsion
  • Décision de justice : le juge peut accorder des délais, refuser l’expulsion ou l’ordonner
  • Commandement de quitter les lieux délivré par huissier en cas de décision d’expulsion
  • Si le locataire reste malgré tout : intervention de l’huissier, éventuellement avec la force publique (hors trêve hivernale, sauf exceptions)
  • Le syndic n’apparaît à aucun moment comme acteur direct de ces étapes. Il peut être témoin, fournir des éléments (plaintes de voisins, constats), mais la manœuvre est celle du bailleur, sous le contrôle du juge.

    Les limites strictes des pouvoirs du syndic

    Pour éviter les dérapages, quelques rappels utiles sur ce que le syndic n’a pas le droit de faire, même si les copropriétaires le lui demandent avec insistance en assemblée :

  • Il ne peut pas interdire au locataire l’accès à son logement
  • Il ne peut pas couper l’eau, l’électricité ou le chauffage du lot pour le « faire partir »
  • Il ne peut pas retirer de lui-même les affaires déposées dans les parties communes sans respecter un minimum de formalités (risque de responsabilité en cas de dommage ou de perte)
  • Il ne peut pas modifier les conditions d’occupation du lot (interdire à un locataire de recevoir du monde, par exemple)
  • Dans tous ces cas, le syndic doit privilégier la voie écrite, l’alerte au bailleur, et, si nécessaire, la saisine du juge. La tentation du « coup de force » finit presque toujours mal… pour celui qui l’a tenté.

    Les bons réflexes pour les copropriétaires bailleurs

    Si vous êtes propriétaire bailleur en copropriété, le syndic peut devenir un allié précieux, mais à condition de clarifier les rôles. Quelques pratiques gagnantes :

  • Remettre le règlement de copropriété à votre locataire dès la signature du bail et le mentionner clairement dans le contrat
  • Prévoir dans le bail une clause de respect du règlement de copropriété et une clause résolutoire en cas de manquement grave
  • Réagir rapidement aux courriers d’alerte du syndic et aux plaintes des voisins : plus on intervient tôt, moins la situation se dégrade
  • En cas de troubles avérés, travailler en bonne coordination avec le syndic (échanges d’informations, constats, mise en demeure du locataire)
  • Un bailleur réactif et un syndic rigoureux évitent bien des impasses. À l’inverse, l’absence totale de réaction du propriétaire peut se retourner contre lui devant le juge… et coûter cher.

    Et pour les locataires : comment se positionner ?

    Côté locataire, le syndic n’est pas « votre ennemi » par principe. Vous n’avez pas signé de contrat avec lui, mais vous devez respecter les règles qu’il fait appliquer pour la copropriété. Quelques points clés :

  • Vous avez tout intérêt à demander un exemplaire du règlement de copropriété à votre bailleur au début du bail
  • Si vous recevez un courrier du syndic, ce n’est pas une « expulsion déguisée », mais un rappel à l’ordre sur les règles de l’immeuble
  • En cas de conflit ou de malentendu (bruits, usage des parties communes), dialoguer avec vos voisins, votre bailleur et, si besoin, le syndic permet souvent de calmer le jeu
  • Si vous estimez être injustement accusé, conservez les preuves (échanges, témoignages, constats) pour pouvoir vous défendre sereinement
  • Un locataire respectueux du règlement n’a rien à craindre du syndic. Ce dernier n’a pas de pouvoir de sanction unilatéral sur votre bail, mais il peut être un interlocuteur incontournable sur la vie quotidienne de l’immeuble.

    Syndic, expulsion et réalité du terrain : démêler le fantasme du possible

    Pourquoi entend-on aussi souvent « le syndic va expulser le locataire » ? Parce que, sur le terrain, c’est souvent lui qui est en première ligne :

  • il reçoit les plaintes
  • il ouvre les dossiers
  • il échange avec les bailleurs défaillants
  • il mandate des huissiers pour des constats
  • De l’extérieur, il peut donc donner l’impression d’« avoir tous les pouvoirs ». En réalité, son rôle est celui d’un chef d’orchestre : il coordonne, alerte, agit en justice au nom de la copropriété, mais il ne joue pas tous les instruments. L’expulsion, elle, reste la partition exclusive du bailleur et du juge.

    Retenir cette répartition des rôles, c’est éviter bien des malentendus et des frustrations. Le syndic ne peut pas tout, mais bien utilisé, il peut peser de manière déterminante dans la résolution d’une situation devenue invivable pour l’immeuble.

    Avant de parler d’expulsion, la bonne question à se poser est donc souvent : qui a réellement le pouvoir d’agir, et sur quel fondement ? Une fois cette boussole en tête, syndic, bailleur et locataires peuvent avancer dans la bonne direction, chacun à sa place, mais avec un objectif commun : préserver la qualité de vie dans l’immeuble.

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